Surfacturation des prix et vol des produits contraceptifs, voilà des maux qui découragent certaines femmes qui choisissent la planification familiale. Face à ce problème, les autorités peinent à trouver des solutions durables. Des victimes décident de briser le silence et ouvrent pour nous la boîte à pandore du mal qui rend souvent les méthodes modernes de contraception inaccessibles aux femmes et filles en âge de procréer notamment celles en situation de vulnérabilité.
Selon l’Alliance des Droits et Santé, « la planification familiale (PF) regroupe tous les moyens et tous les services qui permettent aux couples de faire le nombre d’enfants voulu au moment voulu, en tenant compte de l’éthique de vie, des conditions de santé de la femme et des moyens disponibles ». Au-delà, « la PF contribue à la réduction de la pauvreté » ajoute le Dr Madina Rachid, Directrice Adjointe de la Direction Nationale de la santé familiale et Nutrition (DNSFN) du Ministère guinéen de la Santé. Par ailleurs, ne dit – on pas que, la PF est un droit humain, puisque selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « la garantie d’un accès de toutes les populations à leurs méthodes de contraception préférées permet de renforcer plusieurs droits humains tels que le droit à la vie et à la liberté, la liberté d’opinion et d’expression et le droit au travail et à l’éducation ».
En 1968, au cours de la Conférence Internationale des Droits de l’Homme, la planification familiale est devenue une obligation en matière des droits de l’homme pour chaque pays. En 2015, les états membres des Nations Unies dont la Guinée, se sont engagés à atteindre l’objectif de développement durable (ODD) 3.7 : « assurer l’accès universel aux services de santé sexuelle et procréative, y compris pour la planification familiale, l’information et l’éducation, et l’intégration de la santé génésique dans les stratégies et programmes nationaux » d’ici 2030. Ainsi, la contraception, est une question de droit pour toutes les femmes et quand elles en sont privées pour une raison ou une autre, c’est que leurs droits sexuels sont violés.
En raison de son apport à l’atteinte des ODD, des acteurs dont la société civile, le secteur privé, les partenaires techniques et financiers et l’Etat investissent des ressources importantes pour améliorer le taux de prévalence contraceptive, qui est à 11% (EDS 2018), largement en dessous de l’objectif de 20% que le pays devrait atteindre en 2020, selon les engagements pris en 2017 au sommet de Londres. Les efforts de ces acteurs sont freinés par endroit en raison de la surfacturation des prix des produits.
Au rythme du calvaire des femmes
« J’ai payé 80 000 GNF ($8,20) pour avoir l’implant dans une structure de santé de Matam », dénonce DJessira Djomandé, mère de deux enfants et membre du Réseau des Communicateurs Traditionnels de Guinée (RENACOT). Une situation que DJessira juge « regrettable »puisque le prix fixé par l’état est de 10 000 GNF ($1,02).
Dans la structure de santé où Djessira a eu l’implant à 80 000,« le prix n’était fixé nulle part » indique t – elle. Par contre dans d’autres centres de santé, les prix sont bien affichés mais « ce tableau n’arrête pas les docteurs qui vendent l’implant à 250 000 GNF ($25,60) » déplore une cliente qui a requis l’anonymat.
« Anti balle à 250 000, je préfère donner à manger à mes enfants avec cet argent » proteste Mariam Camara, la trentaine et mère de 3 enfants dont le plus jeune a sept (7) mois, rencontrée à la sortie du centre Médical communal (CMC) de santé de Ratoma. D’un pas pressé, sous la caresse silencieuse d’une fine pluie, Mariam se dirige vers le point d’arrêt des taxis. Nous lui emboitons les pas pour mieux comprendre les raisons de son mécontentement. Elle désire une méthode contraceptive, précisément l’implant, surnommé par les femmes guinéennes, anti – balle. Mais elle est tombée sur un prestataire qui lui demande 250 000 GNF. Prévenir une autre grossesse avant les 3 prochaines années, est le beau rêve brisé de Mariam car ne disposant pas du prix qu’on lui demande.
A la question de savoir si la surfacturation des produits contraceptifs est un fait vécu dans les structures de santé, la Présidente de la Coalition des Organisations de la Société civile pour le repositionnement de la PF en Guinée, le Dr Bintou Bamba répond « oui ! » Et ajoute que « le prix est fixé par certains prestataires en fonction de la tête du client. Par exemple, le jadel est vendu dans certaines structures de santé à 50 000 GNF alors que l’état a fixé le prix du jadel à 10 000 GNF ».
Cette situation contribue à maintenir hauts les besoins non satisfaits en PF.
Marie Touré, Présidente de l’Ordre des Sages-femmes et Maïeuticiennes de Guinée
Des actions urgentes pour garantir les droits des femmes
« Nous devons lutter contre cette pratique à tous les niveaux » propose Marie Condé, Présidente de l’Ordre des Sages-femmes et Maïeuticiennes de Guinée, corporation souvent indexée comme étant actrice des cas de corruption. Mais par où amorcer le changement ? « La lutte contre la surfacturation des prix des contraceptifs doit commencer par la dénonciation. J’encourage toutes les femmes qui ont été victimes à dénoncer » répond Djessira Djomandé, du RENACOT.
A l’image de Djessira, le Ministère de la Santé aussi encourage les femmes à ne plus garder le silence sur cette violation de leurs droits. Mais la dénonciation suppose que les utilisatrices des méthodes modernes de contraception disposent des informations nécessaires liées à la disponibilité des produits et aux prix. Ainsi s’impose l’affichage systématique des prix forfaitaires des différents produits dans les structures de santé. Il existe de nombreux professionnels de l’information et des jeunes qui sensibilisent sur l’importance de la planification familiale. « L’état doit renforcer la promotion de la PF à travers l’implication des médias sur le sujet, cela va dissuader ceux qui surfacturent » propose Mohamed Lamine Keita, membre de l’Association des Journalistes en Santé de Guinée.
Au-delà de la dénonciation, l’application de la justice en la matière pourrait aider à faire avancer la cause. La Guinée dispose d’une loi sur la santé de la reproduction, qui stipule en son article 13, que « les actes attentatoires aux droits en matière de santé sexuelle, seront incriminés et pénalement réprimées ». En plus de cette loi, le pays dispose de nombreux documents stratégiques qui définissent clairement les conditions d’accès aux produits contraceptifs. Pour Marie Condé, de l’Ordre des Sages – femmes et maïeuticiennes, il faut changer « le manque de redevabilité, le manque de sanction et le laisser – aller ».
Bintou Bamba de la Coalition des OSC pour le repositionnement de la PF plaide pour la gratuité.
La gratuité des produits contraceptifs au moins pour les jeunes et les adolescents.
Bintou BAMBA, Présidente de la coalition des organisations de la société civile pour le reprositionnement de la pf
Il a été en effet, démontré que les campagnes PF au cours desquelles les produits contraceptifs sont donnés gratuitement aux femmes enregistrent des dizaines de milliers de nouvelles utilisatrices notamment les jeunes.
Afiwa Mata Ahouadjogbé, Freelance