Le ministère de la santé et de l’hygiène publique avec l’appui technique et financier du Fond des Nations pour la Population (UNFPA) a procédé ce lundi 31 octobre 2022 au lancement de la campagne nationale d’offre gratuite des produits contraceptifs. Objectif, sensibiliser les hommes pour permettre aux femmes de mieux accéder aux méthodes de contraception. Dr Olga Sankara, Représentante de l’UNFPA en Guinée, revient dans cette interview sur les défis à relever.
Pouvez-vous nous faire le bilan de la PF ces cinq dernières années ?
Une étude démographique Et de santé réalisée en 2012 a donné un taux de prévalence contraceptive de 7% et en 2018 le taux a été de moins de 12%. Ce qui signifie qu’on augmente d’un point par de prévalence contraceptive, cela ressemble selon certaines études à un accroissement naturel. Des chiffres qui ne rendent pas compte de l’intensité des investissements qui ont été réalisés dans le pays, parce qu’ailleurs, le même investissement produit entre 2 à 3 points de prévalence par an. Nous devons revoir vraiment la stratégie et intensifier les actions pour plus d’impact.
Selon vous quels sont les entraves à la PF en Guinée ?
Les entraves sont à plusieurs niveaux, les plus grandes sont au niveau socio-culturel, d’abord la résistance au niveau des hommes. Vous savez si nous n’arrivons pas à briser la peur qui accompagne les hommes quand il s’agit de maitriser la fécondité, c’est tout naturel qu’ils ne permettent pas aux femmes d’aller prendre les méthodes de contraception, alors qu’avec un bon plaidoyer et une bonne explication, tous les hommes sont à même de comprendre qu’espacer les naissances, c’est bénéfique pour la femme, pour le nouveau-né et pour toute la société.
Traditionnellement, nous savons que quand on sème le mil, dès que nous rapprochons les pieds, ça ne produit pas autant que quand on espace les pieds. N’est-ce pas ? C’est la même chose pour les enfants. S’il y a des grossesses rapprochées, il y’aurait des problèmes sur les enfants et sur la femme. Mais si les grossesses sont espacées, la femme a le temps de récupérer, de prendre soins de son enfant et au mari de profiter également de son épouse. C’est ça, Lorsqu’on explique, les hommes comprennent.
Il y’a aussi des défis au niveau de l’accessibilité des produits. Les produits sont censés être gratuits mais les prestations sont payantes et les prix sont vraiment exorbitants à certains niveaux pour les femmes. Donc elles n’ont plus d’accessibilité financière.
L’accessibilité géographique :
Il y a des points de prestation de services où il y’a beaucoup de rupture de stock. Même quand les femmes partent, elles se rendent compte que les produits ne sont pas disponibles. SI on finance ces produits, il faut que ces goulots d’étranglement soient levés pour que les femmes puissent effectivement avoir accès à des produits de qualité au moment où elles veulent à l’endroit où elles veulent.
Aujourd’hui quels sont vos attentes vis à vis du gouvernement guinéen ?
Un engagement au-delà de ce qui est déjà fait et que nous connaissons. Mais il faut une mobilisation sociale soutenue. Ce genre de changement nécessite un investissement massif. C’est pour cela que je disais tout à l’heure que cinq jours de plaidoyer et de sensibilisation n’étaient pas suffisants.
Que faut-il alors ?
Il nous faut intensifier et en faire un objectif de chaque jour, de chaque responsable à chaque niveau, que chacun intègre le plaidoyer pour l’espacement des naissances dans son discours, dans ses actions de tous les jours. Et ensemble nous verrons que d’ici deux ans les chiffres vont commencer à changer, que les 21% des femmes qui veulent d’une méthode de contraception et qui n’ont pas accès, pourront avoir accès à ces méthodes-là et que le taux d’avortement non sécurisé va diminuer dans le pays.
Propos recueillis par O.K