Riposte à Ébola : des relais communautaires engagés pour le retour des femmes dans les structures de santé à N’zérékoré

Riposte à Ébola : des relais communautaires engagés pour le retour des femmes dans les structures de santé à N’zérékoré

L’apparition du virus Ebola en Guinée forestière plus précisément dans la sous-préfecture de Gouécké, à N’Zérékoré a freiné l’utilisation des services de santé par la population notamment les femmes et filles en âge de procréer. Le taux d’utilisation des services de santé maternelle a chuté.  Pour changer cette situation, 52 relais communautaires (RECO) sensibilisent et informent les populations dans les villages et quartiers.

Le travail des RECO est de sensibiliser les femmes enceintes, celles qui allaitent et en  âge de procréer pour leur retour vers les structures sanitaires pour la consultation prénatale, l’accouchement, la vaccination et la planification familiale. La finalité est de contribuer à réduire la mortalité maternelle et infantile en cette période d’épidémie. Pour s’assurer de ce retour, le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a formé les RECO et les a dotés de messages clés en lien avec les avantages de l’utilisation des services de la structure de santé. Cette formation consiste à former les EECO sur l’utilisation des services de santé et dans le cadre du suivi des contacts. « Les RECO doivent sensibiliser pour qu’il ait une amélioration de la fréquentation des structures de santé en cette période d’épidémie. Etant dans la communauté, ils sont proches de la population, leur sensibilisation compte beaucoup, les parents les comprennent mieux que l’agent du centre de santé. Ils vont sensibiliser sur l’utilisation soins en lien avec la santé sexuelle et la planification familiale » Explique  Seny Mamè Loua, formatrice et Chargée de la santé communautaire à la Direction Préfectorale de la Santé de N’zérékoré.

En effet, la non fréquentation de la structure de santé notamment par les femmes en âge de procréer peut contribuer à détériorer les indicateurs de santé maternelle.  « L’expérience de 2014-2016, nous a démontré presque à 89% que les femmes enceintes n’utilisaient pas du tout les services de santé maternelle à cause de l’épidémie. La non utilisation des services de santé maternelle notamment, la CPN, l’accouchement sécurisé, les soins au nouveau-né augmente le risque de décès maternel et le risque de décès néo natal » a déclaré le docteur Lamine Kissi Keita, le Chef du Sous bureau de UNFPA à N’zérékoré.Selon toujours le Docteur Keita, « si elles ne viennent pas dans le service de santé, elles vont forcément utiliser l’accouchement à domicile chez l’accoucheuse villageoise. Et donc avec tout ce qu’on connaît dans le cadre de l’accoucheuse villageoise, les dispositions ne sont pas prises pour la prévention de l’infection, pour un accouchement sécurisé, c’est souvent des morts nés, c’est souvent des fistules qui arrivent à ce niveau ».

Des relais communautaires à cheval contre la résistance et les rumeurs qui freinent l’utilisation des services de santé maternelle


Nouha Sagno,  fait partie des 52 RECO recrutés et formés par l’UNFPA pour la continuité des services de santé maternelle.  En  Guinée La mortalité maternelle est de 550 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Pour éviter une augmentation de ce taux, chaque matin, Nouha et son binôme Naomi Kolohara vont à la rencontre des membres de leur communauté pour un retour vers les structures sanitaire. Pour Nouha, sensibiliser sur l’importance d’aller se faire consulter dans les structures sanitaires est primordial pour la réussite de la riposte à Ebola. « Ma collègue et moi rencontrons en moyenne 10 à 15  familles par jour pour les sensibiliser afin qu’elles retournent faire leur suivi au centre de santé. Parfois nous sommes bien reçues et parfois non. Mais cela n’empêche que dès le lendemain nous retournons voir la famille pour tenter de la convaincre à nouveau ». Nouha et Naomi sillonnent tous les jours les rues de la sous-préfecture de Gouécké.

15 avril 2021, il est 10 heures dans la sous-préfecture de Gouécké, localité qui était jusque sous peu l’épicentre de la maladie à virus Ébola.  Ce matin, nous sommes sur la trace de Nouha et son binôme pour comprendre le travail qu’elles font auprès de la communauté. La première étape de leur visite matinale se fait avec un groupe de femmes habitant dans une même concession. Ces femmes ont arrêté de venir au centre de santé depuis le début de l’épidémie. Pourtant, parmi elles, se trouvent des femmes enceintes dont la grossesse doit être impérativement suivie. Tout commence avec les salutations d’usage.

«Bonjour mes dames, je suis Nouha Sagno et ma collègue Naomi Kolohara nous sommes ici ce matin pour parler de votre santé ». Les femmes répondent à la salutation. Certaines ont arrêté ce qu’elles faisaient et d’autres non. Mais cela ne décourage pas pour autant nos RECO.Alors démarre le discours de Nouha à l’intention des femmes. « Vous savez, les femmes ont besoin de soins surtout celles qui sont enceintes, en état de procréer et celles qui allaitent. Lorsque ces femmes ne sont pas bien traitées elles risquent de mourir, de perdre le bébé ou de contracter d’autres maladies comme l’Ebola parce que toutes les conditions ne sont pas remplies pour prendre soins de vous à la maison. Pour éviter tout cela il faut aller à l’hôpital là-bas les médecins ont tout mis en place pour bien s’occuper de vous et éviter que vous ne perdiez la vie » a – t – elle expliqué aux femmes. S’en est suivie une séance de questions réponses pendant lequel les femmes semblaient plus ouvertes.

Après la séance de sensibilisation, les femmes étaient plutôt satisfaites des échanges avec l’équipe de RECO. « Je remercie l’équipe pour toutes ces informations. Si vous voyez que les femmes ne vont pas au centre de santé, ce n’est pas seulement à cause de la maladie, il y a également le manque de moyens. Nous avons des femmes enceintes qui n’ont pas de bons maris,  quelqu’un qui a faim et qui doit se déplacer pour aller à l’hôpital et payer les médicaments et la nourriture, tout ça,  c’est difficile. C’est pourquoi nos enfants ne vont pas à l’hôpital. Mais avec vos conseils, nous avons compris l’importance de retourner vers le centre de santé. » Déclare la femme la plus âgée du groupe.

Grâce aux RECO, les hommes et femmes s’engagent à encourager les femmes et filles de leur famille à utiliser les services de la maternité

De Gouécké, nous prenons la direction de la ville de N’Zérékoré où nous avons rencontré Yaradouno David un autre  RECO, déployé par UNFPA dans la commune urbaine. Avec lui nous sommes allés à la rencontre de deux familles. La première se trouve au quartier télépoulou et la seconde à Ossud. Lors de sa communication, il a insisté sur l’importance de continuer la consultation prénatale. « Une femme enceinte doit aller à l’hôpital même pour une simple migraine. Il faut éviter de prendre des médicaments sans l’avis d’un docteur. Vous ne devez rien minimiser car la maladie va non seulement s’attaquer à la femme mais également au bébé que vous portez. Donc pour éviter tout cela, rendez-vous à l’hôpital pour des soins et respecter vos rendez-vous pour la consultation près natale. Il y a des médecins et des sages-femmes formés et équipés pour vous recevoir, vous soigner et vous aider à prévenir la maladie à virus Ebola ». Un message qui semble bien accueilli par les femmes.  « J’ai apprécié cet échange car cela me permet de prendre soin de moi et de mon enfant. Donc  à partir d’aujourd’hui si je me sens pas bien j’irai voir le médecin et prendre mes médicaments. Je ferai tout ce que le docteur me dira, comme ça mon enfant va naître en bonne santé » déclare une des femmes sensibilisée, enceinte de 5 à 6 mois.  Selon Saidou Camara, père de famille, la venue des RECO dans la communauté est une bonne chose. « Je suis très content par ce que les informations que j’ai reçues ce matin concernant les femmes enceintes, les conséquences de ne pas faire sa consultation par conséquent je vais veiller à ce que ma famille reprenne le chemin de l’hôpital et  qu’elle arrête de prendre des médicaments sans l’avis d’un médecin surtout ma belles fille qui est enceinte » a – t – il déclaré.

En plus de la continuité des services de santé maternelle, l’UNFPA a également apporté son appui dans le cadre de la  lutte contre les violences basées sur le genre en positionnant au niveau de l’hôpital régional de N’Zérékoré des kits nécessaires pour la prise en charge de 250 cas de viols.

Hadiatou Yaya SALL

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